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Manifeste « En cuisine contre la loi raciste » : le sujet aurait mérité (beaucoup) mieux

Un manifeste, des signatures prestigieuses et un sujet central : l’opposition d’une partie des acteurs de la restauration contre la loi « immigration ». Si les propos tenus dans le texte soulèvent de vraies questions, le manifeste n’était probablement pas la meilleure forme pour aborder un thème aussi politique et sensible. D’autant plus qu’il n’évoque jamais la responsabilité du secteur dans ce qu’il dénonce avant tout : la pénurie de personnel.

Le secteur de la restauration se montre de plus en plus adepte du manifeste. De nombreux restaurants ou groupes de restauration exposent sur leur site Internet un texte posant leurs engagements, que ce soit en faveur du bio, du locavorisme, du respect humain, en somme d’une philosophie respectueuse de l’humain comme de l’environnement. Mode ou tendance de fond, le client aime retrouver ses propres valeurs au restaurant. Mais, disons-le, il est bien plus rare que les acteurs s’expriment collectivement – ce qui ne veut pas dire « unitairement » – sur un sujet de société, et encore plus rarement sur un sujet aussi sensible que celui de l’immigration. 

Mais, parfois, nécessité fait loi. Et c’est justement suite au vote de la loi sur l’immigration que deux chefs d’origine colombienne ont lancé ce « Manifeste d’une profession engagée » (lire ci-dessous). « Nous nous opposons à cette loi immigration et demandons qu’une véritable politique d’intégration, notamment par le travail, soit mise en place, au bénéfice de notre secteur et pour la société toute entière » est-il écrit en conclusion de ce court texte. Si on ne peut que souscrire au fait que « la cuisine française, à travers les siècles, est le délicieux fruit du métissage des populations d’ici et d’ailleurs », le manifeste  justifie avant tout son bien-fondé sur la nécessité économique de disposer de salariés étrangers pour pallier le manque désormais chronique de main d’oeuvre. « Nous avons besoin des personnes immigrées » est-il écrit clairement. Si la diversité culturelle mène à la richesse d’un peuple – et de sa cuisine -, justifiant en soi l’importance de l’immigration sur notre territoire, n’en déplaise à l’extrême droite et affidés, il est regrettable que les auteurs de ce texte n’interrogent jamais la responsabilité dudit secteur sur la désaffection générale qui touche tous les métiers de la restauration. À ce jour, il suffit de se rendre sur le site de France Travail (ex-pôle Emploi) pour constater que près de 52 000 serveurs et quelque 89 000 cuisiniers cherchent du travail sur le territoire national. Que la restauration ait besoin de l’immigration est une réalité tant le déficit de personnel est important, mais cela ne doit nullement dédouaner les professionnels de se questionner sur la façon de gérer le quotidien de leurs équipes, autrement dit sur leur propre responsabilité face à la pénurie de personnel. Existe-t-il un manifeste sur le sujet ? Impossible car il s’agirait, pour beaucoup, de se remettre en cause directement, de remettre en cause des méthodes qu’ils ont et subies, et souvent appliquées pour servir leur propre trajectoire. Et puis, en passant, une question s’impose : pourquoi cette population issue de l’immigration ne se retrouve quasiment jamais en salle ? La faute à qui ? 

Certes, le propre d’un manifeste repose sur la concision du message. Il faut frapper vite et fort au coeur du sujet pour toucher juste et faire réagir. Sans ambiguïtés, sans nuances. Voilà bien le problème. Sur un tel sujet, aussi politique, aussi sensible, que l’immigration, et dans ce contexte si particulier qui entoure la loi – probablement censurée par le Conseil Constitutionnel -, le texte de ce manifeste aurait mérité d’être rédigé avec plus de prudence, voire de retenue. « Nous refuserons d’appliquer toute mesure discriminatoire envers les étranger.es, contraires à nos valeurs républicaines » est-il ainsi écrit. Est-ce à dire que les restaurateurs – qui, ne le cachons, penche plutôt à droite sur l’échiquier politique – prône la désobéissance face à une loi que les auteurs du manifeste jugent, maladroitement, de « raciste » ? Sur le fond, le manifeste ne manque pas d’intérêt mais tout en évitant la complexité du sujet, donc en perdant une grande part de sa pertinence et de sa vérité. Sur la forme, il y a beaucoup à redire. Un tel sujet aurait mérité mieux. Beaucoup mieux. 

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Manifeste d’une profession engagée*

A table, comme en cuisine, chacun.e a sa place en France.
La cuisine française, à travers les siècles, est le délicieux fruit du métissage des populations d’ici et d’ailleurs… Cette cuisine s’est longtemps singularisée par sa perméabilité avec les autres cultures culinaires du monde.
Nos cuisines sont et doivent rester des lieux d’ouverture sur le monde, de partage et d’hospitalité. Elles doivent continuer de susciter la rencontre avec l’autre, l’étranger.e, la différence.
Dans nos cuisines, nombre d’emplois sont occupés par des étranger.es (50% en Ile-de-France – selon l’INSEE) alors que 200 000 postes restent non pourvus dans le pays. Nous avons besoin des personnes immigrées, très nombreuses à se tourner vers nos métiers, dans un secteur qui peut et doit former, recruter et faire évoluer des dizaines de milliers de personnes.
C’est pourquoi nous affirmons que nos tables comme nos cuisines doivent rester ouvertes à toutes et tous, inconditionnellement. 
Que nous placerons toujours le talent, l’envie et le courage avant une nationalité, une origine ou un statut administratif. 
Que nous refuserons d’appliquer toute mesure discriminatoire envers les étranger.es, contraires à nos valeurs républicaines. 
Que nous ne laisserons pas s’installer au sein de notre profession des discours stigmatisants en décalage avec la réalité des migrations et la réalité vécue au quotidien au sein de nos établissements.
Chacun.e doit pouvoir trouver sa place dans notre France humaniste.
Nous nous opposons à cette loi immigration et demandons qu’une véritable politique d’intégration, notamment par le travail, soit mise en place, au bénéfice de notre secteur et pour la société toute entière.

*Collectif En cuisine contre la loi raciste composé de chef.fes, de professionnel.les des métiers de bouche et de la gastronomie et d’associations oeuvrant pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes étrangères en cuisine dont La Chorba, La Cuisine de Souad, La communauté Ecotable, Ernest, Le RECHO, Refugee Food

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PratiqueLien pour signer le manifeste

Photographie | DR

LES COURTS BOUILLANTES

19 janvier | Renée Richard, fille de la célèbre « Mère Richard », reine du saint-marcellin, est décédée ce dimanche 19 janvier. Elle était âgée de 74 ans. Elle avait continué le travail de sa « mère » en s’occupant de l’étal fromager situé au sein des Halles Paul-Bocuse. Son aïeule avait ouvert une première crèmerie en 1965 dans les anciennes Halles des Cordeliers. Le saint-marcellin de la Mère Richard reste mondialement connu. 

19 janvier | Le premier bar à saucisses vient d’ouvrir à Genève (Suisse). L’enseigne se nomme « Brad », en référence à la bradwurst, saucisse emblématique de la Suisse alémanique. Produits sourcés, röstis maison réalisés avec une pomme de terre locale et déco tendance devraient faire la différence. Rappelons-nous qu’à Paris, le concept Saucette n’avait pas fait long feu. 

19 janvier | Après des expériences à la Réserve Paris, le Shangri-La puis le Ritz, Camille Dghoughi vient de prendre le poste de directrice F&B du Lutetia (Paris, 6e  arr.).  

19 janvier | La Bretagne interdit la pêche aux saumons et aux truites pour l’année 2025. Comme le rappelle le magazine Reporterre, « les causes de cette disparition ne sont cependant pas majoritairement liées à la pêche, déjà sévèrement limitée par des quotas les années précédentes. Le dérèglement climatique qui augmente la chaleur de l’eau, la destruction du bocage qui favorise l’érosion et la présence massive de pesticides ont joué un rôle massif dans l’érosion des salmonidés. » 

19 janvier | Dans le cadre du dixième anniversaire de l’hôtel La Réserve (Paris, 8e arr.), son restaurant triplement étoilé, Le Gabriel, va organiser plusieurs diners exclusifs. Cela démarre avec le chef Guillaume Galliot, du restaurant Caprice (Four Seasons Hong Kong, trois étoiles) qui va réaliser un repas à quatre mains avec Jérôme Banctel, chef du Gabriel, les 5 et 6 février. 

18 janvier | Reconnue coupable de « pratiques commerciales trompeuses », la maison Ballardran (Bordeaux), réputée pour ses canelés, a été condamnée à une amende de 100000€. Une enquête de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP), parue en 2023, pointant des différences entre l’étiquetage des produits et leur composition suite à des changements de recette. Le parquet, qui avait requis une amende nettement supérieure, a précisé qu’il se réservait le droit de faire appel de la décision. 

18 janvier | Jean Coussau, chef du Relais de la Poste à Magescq (Landes), et plus ancien restaurant doublement étoilé de France (depuis 53 ans), vient d’être nommé « chevalier » dans l’ordre de la Légion d’honneur. La La Landes ! Autres promotions, celles des cheffes Fanny Rey et Adeline Grattard au même grade. 

18 janvier | Selon nos informations, la création d’un second restaurant a été évoqué du côté du Clarence (Paris, 8e arr.), table doublement étoilée tenue par le chef Christophe Pelé. Il pourrait prendre place au deuxième étage, en lieu et place d’anciens bureaux. Christophe Pelé a déjà, par le passé, ouvert une table éphémère dans la cour du bâtiment. 

15 janvier | La Table des Climats (Dijon, 21) accueille un nouveau chef en la personne d’Alexandre Clochet-Rousselet. Le Bourguignon a notamment travaillé au Pressoir d’Argent (Bordeaux), à La Table de Pavie (Saint-Emilion) et Le Relais Bernard Loiseau (Saulieu). Premier service officiel le 16 janvier. 

15 janvier | Les enseignes La Boucherie (4,47/5 ; 5871 avis), pour la restauration traditionnelle, et KFC (4,36/5 ; 255 090 avis), pour la restauration rapide, arrivent en tête dans la catégorie « restauration » du palmarès des enseignes plébiscitées selon l’entreprise Vasano qui a analysé quelque 9,4 millions notes et avis via les fiches Google Business Profile en 2024. 

15 janvier | Le Parlement a adopté mardi 14 janvier la prolongation jusqu’à fin 2026 d’une dérogation qui permet d’utiliser les tickets-restaurant pour acheter des produits alimentaires à préparer, comme le riz, l’huile ou la farine. Cette dérogation – permise à la suite du Covid pour améliorer le pouvoir d’achat des travailleurs – avait expiré au 31 décembre 2024 du fait de la censure du gouvernement de Michel Barnier.

13 janvier | Le chef Laurent Poitevin vient de décéder d’une longue maladie. Souvent présenté comme un chef discret et humble, il a connu une longue carrière de chef que ce soit au sein du groupe Edern , au Peninsula, à l’Hôtel Vernet ou dans le groupe Taillevent où il fut notamment le second de cuisine du chef Michel Del Burgo à l’époque où la table brillait de ses trois étoiles. Précédemment, il a également oeuvré au Bristol ou au Crillon. Nous adressons toutes nos condoléances à sa famille. 

13 janvier | Patrick Morlière est nommé directeur général de La Maison du Chocolat. Il succède à Guillaume Mazarguil qui dirigeait la marque depuis 2018.

LES INFOS BOUILLANTES

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