La géolocalisation a du bon. La curiosité aussi. Tout comme le guide Michelin qui a, quoi qu’on en dise – et écrive parfois ici – une qualité unique en son genre : savoir sillonner et mailler le territoire de ses recommandations. Contrairement au Gault et Millau qui ne référence même plus la table (lire ci-dessous). Car sans le « rouge », l’Auberge du XIIe siècle – quel drôle de nom tout de même ! – serait restée sous nos radars, sauf si, pris d’une grosse envie de culture, nous aurions trainé nos guêtres dans ce petit village qui a hébergé quelques têtes connues, à l’instar d’Honoré de Balzac et d’Alexander Calder dont on peut apprécier une oeuvre monumentale en face ou presque… de notre fameuse Auberge.
Ouverte le 15 septembre 2020 par Stéphanie Marques et Kevin Gardien (35 ans), mari et femme, sommelière et chef, la table a d’abord connu les honneurs du Bib Gourmand jusqu’en mars 2024. Celui-ci a sauté – en même temps que le menu à 37€ disparaissait au diner – pour laisser place à l’étoile. Un tel cas d’école pourrait rouvrir le débat sur l’identité et les contraintes du Bib Gourmand, mais tel n’est pas le sujet. Reste l’incontestable : cette Auberge a été la seule nouvelle table étoilée en 2024 dans le département d’Indre-et-Loire.
Un nom étrange pour une enseigne culinaire mais qui dit le vrai. Une volée de marches et le client entre directement dans la salle de restaurant, belle pièce confortable digne d’une maison de campagne : des poutres, des pierres au sol, un joli crépi, de larges tables en bois, quelques meubles anciens et une cheminée qui crépite. Il n’en faut pas plus pour se sentir bien, heureux même de s’attabler ici où l’on sait qu’il va se passer quelque chose. À peine assis, une première mise en bouche généreuse et réconfortante – gaufre à la tomme de chèvre et crème de chèvre – arrive sur table. On comprend d’emblée que le client vient ici manger et se faire plaisir. La suite des amuse-bouches confirme ce sentiment inaugural et rien de viendra contrecarrer le plaisir de chaque plat qui se présente sur table. La « truite de Langeais, courges et beurre blanc au safran de Cheillé » se révèle dans un sublime équilibre de goûts et de textures, tout comme « les champignons du Breuil ». La cuisine ne cherche jamais à épater, à en faire trop pour séduire inutilement. L’émotion des « ravioles de foie gras et langoustines, sauce soja soyeuse », puis de la « lotte à la royale » est aussi forte que la cuisine de Kevin Gardien est sincère, tout comme le « ris de veau doré au sautoir, panais et café Balzac, jus à la cardamome ». À la technicité superfétatoire, le chef – qui a longtemps travaillé aux côtés de William Frachot au Chapeau Rouge (Dijon) – et sa brigade privilégient la probité cuisinière. Et ce n’est pas la touche sucrée – le classique « soufflé au Royal Combier » – qui changera la donne.
Ce que dit le Gault et Millau : pire que rien !
La table, qui n’a pas changé de nom, a été référencée à l’époque des anciens propriétaires. L’année de la reprise par Stéphanie Marques et Kevin Gardien en 2020, le guide a enlevé les toques et simplement écrit que l’établissement avait changé de propriétaires. Le chef a été invité au Gault et Millau Tour deux années plus tard, sans qu’un « enquêteur » ne mette pourtant les pieds dans le restaurant de Saché. L’année suivante, en 2023, l’Auberge a été retirée du guide. Ce qui revient à dire que personne du guide n’a visité le restaurant depuis la reprise il y a quatre ans. Cela en dit long sur l’intérêt et le sérieux du Gault&Millau.
Ce que dit le guide Michelin : une étoile rouge (2024)
En 2023, le restaurant était récompensé d’un Bib Gourmand. Le guide en parlait ainsi : « Dans ce village où aimait venir Balzac, cette Auberge fait figure d’incontournable. C’est Kévin Gardien, chef trentenaire, qui en tient les rênes, épaulé par sa compagne Stéphanie Marques en salle. Les produits du terroir ligérien sont à l’honneur, travaillés dans des assiettes modernes et gourmandes, à des tarifs raisonnables : on aurait tort de se priver. »
Avec l’arrivée de l’étoile en 2024, le Bibendum a refait le texte. « Balzac séjournait régulièrement au château de Saché, situé juste à côté de cette auberge à colombages qui a conservé tout son charme authentique, derrière sa façade recouverte de lierre. Poutres apparentes, sol dallé, cheminée et arts de la table plus contemporains : le chef Kevin Gardien et sa compagne Stéphanie Marques savent recevoir. Les produits du terroir ligérien sont à l’honneur : volaille d’Ingrandes-de-Touraine, truite d’une pisciculture de Langeais, safran de Cheillé, fromage de Sainte-Maure-de-Touraine… La cuisine du chef, moderne, mais sans effets de mode inutiles, offre des assiettes lisibles et gourmandes, avec notamment de très jolies sauces comme sur le pigeon de Racan accompagné de betterave en croûte de sel, cassis et géranium rosat. »
S’il y a des auberges qui ferment de nos jours – pensons au gâchis de l’Auberge À la Bonne Idée du chef Sébastien Tantot -, celle-ci a assurément de beaux jours devant elle. Idéalement située à deux pas du Château d’Azay-le-Rideau, elle draine logiquement une clientèle amoureuse des belles choses, des pierres emplies d’un riche passé et en quête de tables qui racontent elles aussi une histoire sincère et hautement gourmande. Service attentif, pain fait maison diabolique, large carte des vins à petits prix : comme une envie de se replonger dans ce 12e siècle divin.
L’Indre-et-Loire et le Michelin
Étoile rouge
Le département compte sept tables étoilées.
Le département ne compte aucun restaurant à deux ou trois étoiles.
L’Opidom, à Fondettes
L’Evidence, à Montbazon
Auberge Pom’Poire, à Azay-le-Rideau
L’Epine, à Azay-le-Rideau
Château de Pray, à Amboise
Arbore & Sens, à Loches
La Promenade, au Petit Pressigny
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Étoile verte
Les Jardiniers, Ligré
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Bib Gourmand
L’Epine, à Azay-le-Rideau
Fleur de Sel, Saint-Georges-sur-Cher
Les Arpents, à Amboise
Auberge de l’Île, à L’Île-Bouchard
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